A l'occasion de la parution de son livre relatant l'histoire de l'astronomie au Japon, nous avons posé quelques questions à François-Claude Guglielmina.
URANIE : décrivez-nous votre parcours professionnel...
François-Claude Guglielmina : J’ai commencé ma carrière comme chimiste de recherche chez Dupont de Nemours, à Genève au laboratoire de recherche textile. Il s’agissait plus de développement que de recherche pure. J’ai ensuite rejoint FEDAROM, association professionnelle regroupant les producteurs de matières premières pour la parfumerie et les arômes alimentaires, à Paris comme directeur technique. J’avais la charge de représenter l’industrie française lors de réunions internationales. Puis, Ciba-Geigy m’a accueilli dans son sein, à Bâle (Suisse), comme manager de projets d’homologation des produits vétérinaires « Santé Animale ». Il s’agissait de travailler avec les chimistes de recherche. Après quelques années, je me suis vu proposer le poste de chef du département « Santé Animale » au Japon, à Tokyo. Là, j’avais la responsabilité de toutes les activités du département. Grâce au travail de mes collègues japonais, nous sommes devenus une division à part entière. De retour à Bâle, j’ai pris ma retraite en 2003.
URANIE : comment est née votre passion pour le Japon ?
F.C.G : Mes premiers contacts avec le Japon datent des années 1980, lors de réunions internationales. J’ai alors décidé d’apprendre la langue et la civilisation japonaises. Plus j’avançais, plus j’étais attiré par le Japon et sa culture.
URANIE : comment avez-vous eu l'idée de mêler astronomie et Japon ?
F.C.G. : J’ai passé mon enfance à Paris. Les dimanches après-midi d’hiver, mon père et moi aimions aller au Palais de la découverte. Là, nous ne manquions jamais la séance du planétarium. C’est là où est né mon intérêt pour l’astronomie, intérêt que j’ai toujours gardé en sommeil et qui s’est réveillé à ma retraite. J’ai passé de longues heures à apprendre les notions d’astronomie via de nombreuses lectures. Je me suis procuré un télescope pour faire ce que j’appelle du "tourisme astronomique" et observer les corps du système solaire, l’univers lointain, écrire le lendemain un rapport d’observation, etc.
Lors d’une étude littéraire concernant l’histoire des sciences, je me suis aperçu que très peu de choses avaient été publiées sur l’histoire de l’astronomie au Japon, surtout en langue française. Il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité. C’est ainsi que je me suis lancé dans une recherche sur le sujet et que j'ai eu le plaisir de mêler deux de mes passions, Japon et astronomie.
URANIE : quels thèmes et découvertes vous ont le plus intéressé durant votre travail de recherche sur ce sujet ?
F.C.G. : L’étude du calendrier ancien, luni-solaire, d’origine chinoise, "japonisé", et le thème des cartes du ciel. Mais aussi la notion du temps au Japon, avec une influence bouddhique indéniable ainsi que ce qui reste des vieilles croyances populaires, que l’on retrouve dans les festivals liés à des légendes astronomiques, de même que les noms d’étoiles et de constellations associés à des valeurs fondamentales du peuple japonais.
URANIE : durant la période où vous étiez au Japon, y a t-il des personnes, des rencontres, qui vous ont plus marqué que d'autres ?
F.C.G. : Les personnes qui m’ont le plus marqué sont les gens simples de la campagne. On y rencontre de vieilles femmes toutes courbées par le poids des ans, qui ramènent sur leur dos un fagot de bois pour la cuisine et qui, l’hiver, les pieds dans la neige, vous accueillent avec humilité, chaleur et sourire de bienvenue à l’entrée de leur ferme avec un bon bol brûlant de soupe sucrée de haricots rouges.
URANIE : vous avez décidé de céder vos droits d'auteur pour venir en aide au peuple japonais (les éditions Burillier reversent pour leur part 1 € par ouvrage vendu) : qu'avez-vous ressenti en découvrant les drames qui secouent actuellement le Japon ?
F.C.G. : Ce drame terrible qui a frappé le Japon le 11 mars dernier, m’a fait revivre le tremblement de terre de Kobé en 1995. C’était déjà terrible à l'époque. Je n’ai réussi à contacter mes amis et mes anciens collaborateurs que le lendemain. Ils sont saufs. Mais je pense à toutes celles et tous ceux qui ont tout perdu. Des êtres qui leur sont chers, leur maison. Il se trouve que je suis allé à Sendai lors de mon séjour. J’ai un souvenir ému pour cette ville. Je me sens solidaire de ces gens qui se comportent suivant les valeurs fondamentales de ce peuple : solidarité du groupe, dignité, humilité, courage, sourire devant l’adversité pour ne pas peiner les autres.
URANIE : si vous deviez résumer en une phrase le peuple japonais : que diriez-vous ?
F.C.G. : Un peuple qui malgré la modernisation et « l’occidentalisation » à l’ère Meiji, n’a perdu aucune des valeurs fondamentales de sa culture ancestrale.