mercredi 26 octobre 2011

Histoire de l'heure en France

Jacques Gapaillard, professeur émérite de l'université de Nantes, spécialiste en mathématiques et en histoire des sciences, vient de publier un ouvrage passionnant et très complet concernant l'histoire de l'heure en France (les méridiennes, l'équation du temps, l'horlogerie, les différentes heures, les temps, la concurrence de Greenwich, etc.).

Nous lui avons posé quelques questions...


URANIE :  La mesure du temps à travers les âges est un thème souvent abordé dans la littérature astronomique. En revanche, l'histoire de l'heure en France est un domaine souvent oublié par les auteurs... Qu'est ce qui vous a poussé à traiter ce sujet ?

Jacques Gapaillard :  Tout est parti de l’intérêt que j’ai porté à une superbe méridienne verticale située au cœur de Nantes. Aujourd’hui dans l’impossibilité de fonctionner, elle donnait autrefois le midi solaire vrai et le midi moyen. Mais il y a loin de ces heures locales à notre actuelle heure UTC, celle du Temps Universel Coordonné. Par quel cheminement est-on passé de celles-là à celle-ci ? Au cours de l’histoire, quels ont été les divers régimes d’heure qui se sont succédé ? Quels décrets, lois ou ordonnances ont défini l’heure légale en France ? Mon appartenance à une famille d’horlogers, des connaissances en astronomie théorique, et aussi de lointains souvenirs d’enfance où l’on m’avait parlé du remplacement du méridien de Paris par celui de Greenwich, tout cela devait nécessairement me conduire à me poser ces questions, parmi d’autres, au sujet de l’évolution de l’heure, et à tenter d’y répondre. Cette étude a commencé avec le modeste projet de rédiger un court document destiné aux membres de l’association nantaise Méridienne, dont l’une des actions concerne le patrimoine astronomique local. Mais elle a bientôt pris une ampleur imprévue, et la curiosité m’a poussé à rechercher par moi-même des réponses qui étaient souvent incomplètes, ou même absentes, dans les livres consultés.

URANIE : Cet ouvrage représente un gros travail de synthèse de nombreuses connaissances diverses. Combien de temps avez-vous mis pour regrouper toutes ces informations ? Ce travail est-il le fruit direct de votre activité d'enseignant en histoire des sciences ?

Jacques Gapaillard : Je n’avais jamais abordé ce sujet auparavant, ni dans mes travaux de recherche, ni dans mon enseignement, mais il est certain que mon activité en histoire des sciences est pour beaucoup dans mon souci de puiser un maximum d’informations à la source, ce qui est la démarche normale de tout historien. Par exemple, l’heure est un domaine sensible qui touche à la vie quotidienne et au sujet de laquelle les habitudes acquises ne s’abandonnent pas facilement. Il était par conséquent prévisible que les changements de régime en cette matière s’accompagneraient généralement de protestations et de débats dont je me suis efforcé de trouver le témoignage dans les écrits de l’époque. Mais il ne suffit pas de réunir des documents, il importe encore de comprendre comment ils s’insèrent dans une histoire cohérente qu’il faut raconter. De plus, certaines questions techniques méritent d’être exposées, tant en astronomie qu’en horlogerie, sans compter ce qui est lié à l’introduction du temps atomique et à son utilisation. Tout cela prend beaucoup de temps et ce livre est le fruit de quatre années de travail. Au sujet des textes originaux que j’ai consultés, j’ajoute que je ne m’en suis pas seulement servi pour élaborer mon propre discours, j’ai aussi tenu à en restituer les passages les plus marquants. Le livre se trouve ainsi émaillé d’un grand nombre de citations chaque fois que le sujet traité s’y prête.

URANIE : Quels sont pour vous les moments clés de la mesure du temps dans l'histoire des hommes, et en France en particulier ?

Jacques Gapaillard : Je retiendrais trois grandes mutations, chacune induite par une innovation technologique. Mon histoire de l’heure commence au Moyen Âge qui voit l’apparition de l’horlogerie vers 1300 et, à la fin de cette période, l’horloge aura eu raison du vieux système des heures inégales. Cependant, cette mécanique sera encore longtemps soumise au cadran solaire dont on l’obligera à suivre les indications alors qu’elle n’a aucune vocation à le faire. Ce n’est qu’au deuxième quart du XIXème siècle que la France abandonnera l’heure vraie des cadrans solaires pour l’heure de temps moyen compatible avec les horloges. L’étape suivante sera l’œuvre du chemin de fer dont le fonctionnement ne peut s’accommoder d’heures locales qui dépendent de la longitude du lieu. Il réclame au contraire l’adoption d’une heure uniforme sur tous les réseaux français. C’est ainsi que l’heure de Paris a été exportée en province, prélude à l’adoption d’une heure nationale en 1891. Le troisième changement important se produira vingt ans plus tard, quand la France aura cessé de se cramponner à son méridien de Paris dans son refus de céder à la position dominante de son rival britannique. Cette fois, c’est le développement de la TSF qui entraînera la décision, en étroite association avec la tour Eiffel. Dès lors, la France a rejoint le concert des nations en intégrant le système mondial des fuseaux horaires. À côté de ce pas décisif, et s’agissant du régime de l’heure civile, les changements ultérieurs ne sont que des aménagements, que ce soit l’introduction d’une heure d’été ou l’implication du temps atomique dans la définition de l’heure UTC.

URANIE : Quelles sont pour vous les conséquences positives et négatives de la mesure du temps ?

Jacques Gapaillard : Vous voulez parler de l’aspect sociologique de la question. La vie rurale s’est longtemps contentée d’une notion très approximative de l’heure. Le paysan se passait totalement de repères horaires précis et, plus tard, la montre dans sa poche ou l’horloge dans sa ferme auront d’abord été plus valorisantes qu’utiles. En revanche, à partir de la Renaissance, la vie citadine s’est peu à peu organisée en fonction de l’heure sans laquelle rien ne fonctionnerait plus dans notre monde moderne. Le côté négatif est évidemment cette tyrannie que l’heure exerce sur bien des aspects de notre vie, à commencer par les contraintes horaires liées à nos activités professionnelles. D’ailleurs, pour beaucoup d’entre nous, la période de détente que sont les vacances n’est-elle pas d’abord celle où l’on savoure de pouvoir s’affranchir d’impératifs horaires ?

URANIE : Une dernière question... Quelles seront pour vous les futures grandes révolutions dans le domaine de la mesure du temps ?

Jacques Gapaillard : Du côté de la technologie horlogère, je ne pense pas que nous soyons à la veille de révolutions comme ce fut le cas lors de l’apparition de nos montres à quartz, ou de celle des horloges atomiques pour les usages scientifiques, même si ces dernières n’ont certainement pas fini de progresser vers des précisions toujours plus fabuleuses. Je ne m’attends pas non plus à des changements dans la façon de compter l’heure. Après l’échec de la Révolution dans ce domaine, la seconde moitié du XIXème siècle a connu des tentatives d’introduire à nouveau au moins une part de décimalisation dans le repérage du temps, pour remplacer le système sexagésimal jugé peu commode. Mais je ne crois pas que beaucoup se passionnent aujourd’hui pour un tel projet qui se heurterait nécessairement à une vive résistance, comme ce fut le cas dans le passé. En revanche, nous pourrions vivre bientôt un événement sans précédent, un changement qui, avant longtemps, passerait complètement inaperçu sur le plan pratique et qui serait pourtant une véritable révolution culturelle. De tout temps, en effet, c’est le mouvement diurne qui a fourni quotidiennement à l’homme des repères temporels, de jour comme de nuit. Comment imaginer qu’il pourrait rompre avec cette tradition naturelle et ancestrale pour lui substituer une heure totalement déconnectée de la rotation de la Terre ? C’est pourtant ce qui se produira si, comme c’est assez probable, la pratique des secondes intercalaires affectant l’heure UTC était abandonnée, donnant ainsi naissance à un Temps Universel purement atomique qui ne serait donc plus coordonné à la rotation terrestre.

Plus d'infos sur cet ouvrage : cliquez ici !

mardi 18 octobre 2011

Test oculaire UWA 28 mm ASTRO-Professional

Nombreux sont les amateurs à rêver d'un oculaire ultra grand champ de longue focale ! En effet, ce type d'oculaire permet d'accéder à des champs résultants importants, idéaux avec la plupart des objets du ciel profond, ainsi qu'avec les surfaces lunaire et solaire. Les ultra grand champ offrent aussi une sensation visuelle unique : avec 84 degrés de champ nominal, l'image devient presque sans limite et donne l'impression à l'observateur de plonger littéralement dans l'espace.
Hélas, ce type d'oculaire est généralement très coûteux... Heureusement, la marque allemande ASTRO-Professional commercialise des UWA à des prix de vente attractifs. Parmi ceux-ci, un 28 mm qui se targue de rivaliser avec les meilleures fabrications (américaines notamment).


Présentation : l'oculaire ASTRO-Professional UWA 28 mm possède un champ nominal de 84 degrés, une focale de 28 mm et une douille au coulant 50,8 mm. Conséquence immédiate, ses poids et encombrements sont importants (poids 954 g ; hauteur 13 cm). Dans ces conditions, il est impératif de l'installer sur un porte-oculaire 50,8 mm ou sur un renvoi coudé costaud et de serrer correctement leurs vis de fixation.
Côté finition, les matériaux aluminium employés sont de très belle facture et devraient satisfaire l'amateur exigeant. La forme légèrement conique de la base de la douille permet d'éviter tout risque de chute éventuelle en cas de desserrage inopiné de l'oculaire. Au chapitre de l'ergonomie, nous avons particulièrement apprécié le gainage entourant le corps de l'oculaire (pratique lors des manipulations sur site) ainsi que le gros oeilleton rotatif réglable permettant de régler parfaitement la distance oeil/oculaire (sa rotation est "onctueuse" et précise, les reflets éventuels venant de lumière latérales sont parfaitement éliminés). Précisons enfin que la douille de l'oculaire est filetée afin de recevoir tout filtres colorés ou interférentiels.


Ci-dessus : l'oeilleton rabattu et surélevé
afin d'améliorier le confort visuel.

Les instruments utilisés pour ce test : pour jauger des performances de cet UWA 28 mm, nous avons fait appel à deux instruments forts différents sur le plan du comportement optique... Une lunette ED 80/480 mm dont l'optique fournit des images de haut niveau mais moyennement dégradées en bord de champ par la distorsion ; et un télescope Cassegrain 200/1800 équipé d'un aplanisseur corrigeant parfaitement courbure et coma résiduelles en bord de champ. Une fois ces instruments installés sur site, nous avons pointé successivement la Lune, Jupiter, ainsi que des amas d'étoiles et nébulosités.

La douille 50,8 mm, légèrement conique,
peut recevoir des filtres.

Les résultats obtenus : sur la Lune, l'image obtenue apparaît de très bon niveau sur une large zone centrale. Aucun chromatisme n'est visible, ni dégradation de la netteté. En bord de champ, le comportement de l'oculaire diffère en fonction de l'instrument utilisé... Avec la lunette, le piqué sur la Lune baisse de manière sensible tandis que le chromatisme apparaît sous la forme d'un liseré jaune profond sur le limbe lunaire. Avec le télescope, si le chromatisme est sensible en bord de champ, le piqué en revanche demeure à un très bon niveau. Compte tenu du champ couvert par l'oculaire, ces résultats peuvent être considérés comme très bons.

Sur Jupiter, nous avons fait le même constat... Sur une large zone centrale, le piqué obtenu (contraste et résolution) se situent à un excellent niveau, révélant de beaux détails dans les bandes équatoriales et plus précisément à proximité de la Grande Tache Rouge (nodules et ovales bien visibles). En bord de champ, le chromatisme est visible sans être réellement gênant, la netteté baisse dans la lunette mais demeure à un bon niveau dans le télescope.

En ciel profond, enfin, les images apparaissent spectaculaires ! Quel que soit l'instrument utilisé... Les distorsions visibles en bord de champ dans la lunette s'estompent sur les champs stellaires piquetés d'étoiles faibles. Même constat en ce qui concerne le chromatisme qui n'apparaît dans la pratique jamais gênant. Dans le télescope, les étoiles sont ponctuelles, y compris en bord d'image, mais le grossissement obtenu (64x) semble un peu trop élevé pour profiter au maximum des images obtenues. Dans la lunette, la sensation est inverse... Avec un grossissement de 17x et un champ résultant colossal de 4,9 degrés, l'observateur embrase 100% des objets étendus les plus spectaculaires : galaxie d'Andromède M31, nébuleuse North America, Dentelles du Cygne (les deux dentelles sont parfaitement vues dans le champ de l'oculaire équipé d'un filtre Oxygène 3), amas d'étoiles des Pléiades, etc. Un vrai régal qui se double d'une sensation de contraste et de netteté saisissante sur une large zone centrale de l'image.

Nos conclusions : l'oculaire UWA 28 mm ASTRO-Professional fournit des performances générales de très bon niveau. Les images obtenues sur les surfaces planétaires sont excellentes sur une large zone centrale, avec un contraste et une résolution très intéressants. Visiblement conçu pour ne pas dégrader la netteté en bord de champ, il se marie parfaitement avec les instruments ayant peu de distorsions et/ou de courbure de champ (télescopes corrigés, lunettes ou télescopes de rapport F/D moyen). En revanche, l'amateur utilisant un instrument présentant coma et/ou courbure n'aura pas intérêt à placer des objets brillants en limite de champ image (une pratique que les amateurs ne font généralement jamais). Reste enfin le prix de vente de l'oculaire, extrêmement compétitif compte tenu de ses performances, et surtout compte tenu du tarif des oculaires qu'il concurrence efficacement...

Les points forts : très bonne qualité optique, belles finition et ergonomie, prix de vente très compétitif par rapport à la concurrence.

Les points faibles : à utiliser de préférence sur un instrument bien corrigé en bord de champ, nécessite un porte-oculaire costaud.

Pour accéder à la fiche pratique de cet oculaire : CLIQUEZ ICI.

vendredi 7 octobre 2011

ALMA ouvre ses yeux

L’observatoire astronomique au sol le plus complexe de l’humanité, le Grand Réseau d’antennes en Millimétrique et submillimétrique de l’Atacama (ALMA - Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), a officiellement ouvert ses portes aux astronomes. La première image publiée, obtenue avec un télescope encore en construction, dévoile une vision de l'Univers totalement invisible avec les télescopes en lumière visible et infrarouge. Des milliers de scientifiques du monde entier ont concouru pour être parmi les premiers chercheurs à explorer certains des secrets les plus sombres, les plus froids, les plus lointains, les plus cachés de l'Univers avec ce nouvel outil astronomique.

Lire la suite : cliquez ici.