vendredi 25 mars 2011

Astronomie au pays du Soleil Levant

A l'occasion de la parution de son livre relatant l'histoire de l'astronomie au Japon, nous avons posé quelques questions à François-Claude Guglielmina.


URANIE :  décrivez-nous votre parcours professionnel...

François-Claude Guglielmina : J’ai commencé ma carrière comme chimiste de recherche chez Dupont de Nemours, à Genève au laboratoire de recherche textile. Il s’agissait plus de développement que de recherche pure. J’ai ensuite rejoint FEDAROM, association professionnelle regroupant les producteurs de matières premières pour la parfumerie et les arômes alimentaires, à Paris comme directeur technique. J’avais la charge de représenter l’industrie française lors de réunions internationales. Puis, Ciba-Geigy m’a accueilli dans son sein, à Bâle (Suisse), comme manager de projets d’homologation des produits vétérinaires « Santé Animale ». Il s’agissait de travailler avec les chimistes de recherche. Après quelques années, je me suis vu proposer le poste de chef du département « Santé Animale » au Japon, à Tokyo. Là, j’avais la responsabilité de toutes les activités du département. Grâce au travail de mes collègues japonais, nous sommes devenus une division à part entière. De retour à Bâle, j’ai pris ma retraite en 2003.

URANIE : comment est née votre passion pour le Japon ?

F.C.G : Mes premiers contacts avec le Japon datent des années 1980, lors de réunions internationales. J’ai alors décidé d’apprendre la langue et la civilisation japonaises. Plus j’avançais, plus j’étais attiré par le Japon et sa culture.

URANIE : comment avez-vous eu l'idée de mêler astronomie et Japon ?

F.C.G. : J’ai passé mon enfance à Paris. Les dimanches après-midi d’hiver, mon père et moi aimions aller au Palais de la découverte. Là, nous ne manquions jamais la séance du planétarium. C’est là où est né mon intérêt pour l’astronomie, intérêt que j’ai toujours gardé en sommeil et qui s’est réveillé à ma retraite. J’ai passé de longues heures à apprendre les notions d’astronomie via de nombreuses lectures. Je me suis procuré un télescope pour faire ce que j’appelle du "tourisme astronomique" et observer les corps du système solaire, l’univers lointain, écrire le lendemain un rapport d’observation, etc.
Lors d’une étude littéraire concernant l’histoire des sciences, je me suis aperçu que très peu de choses avaient été publiées sur l’histoire de l’astronomie au Japon, surtout en langue française. Il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité. C’est ainsi que je me suis lancé dans une recherche sur le sujet et que j'ai eu le plaisir de mêler deux de mes passions, Japon et astronomie.

URANIE : quels thèmes et découvertes vous ont le plus intéressé durant votre travail de recherche sur ce sujet ?

F.C.G. : L’étude du calendrier ancien, luni-solaire, d’origine chinoise, "japonisé", et le thème des cartes du ciel. Mais aussi la notion du temps au Japon, avec une influence bouddhique indéniable ainsi que ce qui reste des vieilles croyances populaires, que l’on retrouve dans les festivals liés à des légendes astronomiques, de même que les noms d’étoiles et de constellations associés à des valeurs fondamentales du peuple japonais.

URANIE : durant la période où vous étiez au Japon, y a t-il des personnes, des rencontres, qui vous ont plus marqué que d'autres ?

F.C.G. : Les personnes qui m’ont le plus marqué sont les gens simples de la campagne. On y rencontre de vieilles femmes toutes courbées par le poids des ans, qui ramènent sur leur dos un fagot de bois pour la cuisine et qui, l’hiver, les pieds dans la neige, vous accueillent avec humilité, chaleur et sourire de bienvenue à l’entrée de leur ferme avec un bon bol brûlant de soupe sucrée de haricots rouges.

URANIE : vous avez décidé de céder vos droits d'auteur pour venir en aide au peuple japonais (les éditions Burillier reversent pour leur part 1 € par ouvrage vendu) : qu'avez-vous ressenti en découvrant les drames qui secouent actuellement le Japon ?

F.C.G. : Ce drame terrible qui a frappé le Japon le 11 mars dernier, m’a fait revivre le tremblement de terre de Kobé en 1995. C’était déjà terrible à l'époque. Je n’ai réussi à contacter mes amis et mes anciens collaborateurs que le lendemain. Ils sont saufs. Mais je pense à toutes celles et tous ceux qui ont tout perdu. Des êtres qui leur sont chers, leur maison. Il se trouve que je suis allé à Sendai lors de mon séjour. J’ai un souvenir ému pour cette ville. Je me sens solidaire de ces gens qui se comportent suivant les valeurs fondamentales de ce peuple : solidarité du groupe, dignité, humilité, courage, sourire devant l’adversité pour ne pas peiner les autres.

URANIE : si vous deviez résumer en une phrase le peuple japonais : que diriez-vous ?

F.C.G. : Un peuple qui malgré la modernisation et « l’occidentalisation » à l’ère Meiji, n’a perdu aucune des valeurs fondamentales de sa culture ancestrale.

mercredi 23 mars 2011

Des naines brunes très froides !

Des observations réalisées avec le « Very Large Telescope » de l’Observatoire européen austral et deux autres télescopes ont mis en évidence une nouvelle prétendante au statut d’étoile la plus froide connue : une naine brune appartenant à un système double et ayant une température correspondant à peu près à celle d’une tasse de thé tout juste servie – ce que nous considérons donc comme chaud en tant qu’humain, mais qui est extraordinairement froid pour la surface d’une étoile. Cet objet est tellement froid qu’il se trouve à la frontière, certes très floue, partageant les petites étoiles froides et les grosses planètes chaudes.

Le communiqué complet et les images :
http://www.eso.org/public/france/news/eso1110/

mercredi 9 mars 2011

Transits solaire et lunaire de l'ISS !

J'ai acquis en 2010 le fameux tube optique Triplet Carbone ASTRO-Professional 80/480. Un choix guidé par la volonté de posséder un instrument ultra polyvalent et très facile à emmener avec moi, grâce à ses poids et encombrement réduits. Cette lunette me permet en effet d'observer les astres, la nature (les oiseaux notamment), de photographier les planètes, le ciel profond, et des sujets animaliers (utilisation comme téléobjectif).
J'avais aussi opté pour cette lunette car je souhaitais réaliser des images des transits de la Station Spatiale Internationale devant le Soleil et la Lune. Ces derniers mois, les conditions météo ont remis à plus tard mes tentatives... Jusqu'à hier où j'ai pu réaliser un coup double avec le passage de l'ISS non loin d'un beau groupe de taches solaires dans l'après midi, et hier soir où la station croisait cette fois la trajectoire d'un beau croissant lunaire...


Préparation du matériel : ce genre d'exercice est facilité lorsque l'amateur dispose d'outils pratiques. J'ai ainsi sélectionné un filtre solaire photo (densité 4), un GPS pour connaître avec exactitude l'heure légale (installé sous le boîtier photo), un boîtier photo Canon EOS 550D, un doubleur Canon + bague allonge Kenko + adaptateur photo + tube allonge, une raquette de commande intervallomètre, des petits outils, piles de rechange, couteau suisse, lampe frontale (pour la prise de vue du soir)... Tout cela logé dans une mallette aux dimensions restreintes (51 x 31 x 21 cm).


Installation du matériel : je souhaitais effectuer des prises de vues ainsi qu'observer en direct le passage de l'ISS devant le Soleil. J'ai donc installé sur ma monture (une Vixen SP/DX) une platine multi-usage sur laquelle j'ai fixé d'un côté la Carbone ASTRO-Professional et de l'autre un PST Coronado (cette lunette permet d'observer le Soleil dans la raie H-Alpha, donc de voir la chromosphère avec son lot de protubérances spectaculaires). Le site d'observation des transits a été trouvé grâce au site Internet Calsky (inscription gratuite).


Montage du matériel : sur l'image ci-dessus, vous pouvez voir quel montage j'ai utilisé. Au foyer de la lunette, j'ai d'abord inséré un tube allonge ASTRO-Professional de 40 mm de longueur, qui permet d'obtenir la mise au point à l'infini sans devoir trop jouer sur le tirage du porte-oculaire. J'ai ensuite installé un adaptateur photo coulant 50,8 mm, le doubleur Canon, ainsi qu'une bague macro Kenko débarrassée de ses contacts électriques (ces contacts empêchent normalement le boîtier de déclencher lorsqu'un doubleur est monté dessus). En sortie de montage, le Canon EOS 550D a été choisi pour sa haute définition (18 mpix). L'EOS est piloté par une commande intervallomètre C1 qui a l'immense mérite de permettre de programmer le lancement des prises de vues (le photographe peut alors profiter tranquillement de l'observation sans stresser à l'approche de l'événement).

Place aux images : l'installation du doubleur Canon et le coefficient induit par la taille du capteur APS-C du 550D engendrent une focale résultante proche de 1 600 mm. L'exceptionnelle qualité optique de la lunette fait ensuite le reste... Le piqué est élevé (compte tenu du sujet photographié, toujours sujet à turbulences) et l'absence de chromatisme assure des zones de transitions absolument impeccables entre les taches solaires et le reste de la photosphère, ou encore entre le limbe solaire et le ciel !

Ci-dessous, l'une des trois images prises du transit (la cadence du moteur du 550D est de 3,7 i/s, le transit ayant duré 1,03s), est aussi la plus nette. Etant donné la vitesse de déplacement de l'ISS (29 000 km/h), le temps de pose utilisé était de 1/4000è s (pour 100 iso) afin d'obtenir une image la plus figée possible. Cette image est d'autant plus intéressante et rare qu'un beau groupe de taches solaires s'était invité.


Le crop 100%, recentré sur l'ISS et sur le groupe de taches, montre la bonne résolution finale (l'ISS est alors à 611 km de distance). Aucun traitement sophistiqué n'a été appliqué à cette image.


Ce transit avait lieu à 14h30, le mardi 8 mars. Dès le soir même, vers 19h15, l'ISS passait cette fois devant un croissant de lune. J'ai utilisé la même configuration pour les montages et l'instrument utilisés, hormis bien sûr en ce qui concerne le filtre solaire à l'ouverture. Cette fois, la difficulté était bien plus grande en raison de la faible luminosité de la Lune par rapport au Soleil : le temps de pose passait ainsi de 1/4000è s (pour 100 iso) à 1/180è s (pour 1600 iso). D'où des images nettement plus granuleuses, même si elles demeurent de qualité convenable.

Ci-dessous, l'ISS se situe proche du centre du disque lunaire, dans sa partie non éclairée. On voit assez bien ses principaux panneaux solaires.


Continuer dans cette voie...
La route est souvent longue avant de trouver l'instrument et les accessoires parfaits. Avec la lunette Triplet Carbone ASTRO-Professional 80/480 je pense n'avoir jamais été aussi proche de la satisfaction. J'attendais avec impatience son comportement sur des sujets photographiques de ce type... Les résultants obtenus sont très bons, exactement comme je les espérais. Et le rangement du matériel, dans la petite mallette, ne prend que quelques minutes. Bref, si vous le pouvez, n'hésitez pas : craquez vite pour ce tube optique hors normes !

Christophe Lehénaff

Nouvelles images (ajoutées à cet article le 23 mai 2011).
Les images obtenues avec cette lunette ont, depuis cet article, été grandement améliorées, grâce notamment à l'emploi d'un ensemble extendeur x1,4 et doubleur Canon empilés. Cette association permet d'agrandir encore plus l'image afin de remplir au maximum le champ couvert par le format APS-C du Canon EOS 550D. Le 21 mai dernier, j'ai assisté à un passage particulièrement spectaculaire où ISS et navette spatiale transitèrent durant seulement 0,5s (diamètre apparent de l'ensemble : environ 70" d'arc). Ci-dessous, images en plan large et crop 100%.