mardi 29 décembre 2009

5 questions à Dominique Proust, astrophysicien.

Nous avons eu la chance de rencontrer Dominique Proust à l'occasion de la sortie de son dernier (et très attendu) ouvrage...


URANIE : Dominique Proust, vous venez de diriger la publication du premier Dictionnaire encyclopédique d'Astronomie pour la Langue de Signes Française (LSF) : "Les Mains dans les étoiles". Ce travail d'équipe est une première pour la LSF ? Quelle est l'origine de ce projet ?

Dominique Proust : Depuis plus de 10 ans, je suis en contact étroit avec la communauté sourde, et j'ai développé un enseignement spécifique d'astronomie au sein de l'action "Astronomie vers tous" de l'observatoire de Paris, destinée à mettre l'astronomie à la portée de ceux qui rencontrent des difficultés d'accès. A l'occasion d'un magazine télévisé de la série "L'oeil et la main" (France 5) consacré à "l'astronomie, bien entendu(e)", nous avons voulu prolonger cette expérience sous forme d'un dictionnaire à la fois bilingue et encylopédique; c'est effectivement le premier de ce genre.


URANIE : Dans le domaine scientifique, et notamment en astronomie, il semble que la France, aujourd'hui encore, souffre d'une carence et d'un retard considérable ? Comment peut-on expliquer une telle lacune ?

D.P. : La communauté sourde européenne a été marginalisée pendant plus d'un siècle, suite à une très forte pression de la société issue du Second Empire et des différentes confessions religieuses, qui voulaient faire triompher l'oralisme, n'admettant pas l'expression corporelle nécessaire de la Langue des Signes. Cet ostracisme a eu socialement des conséquences dramatiques, en marginalisant la communauté sourde.

URANIE : Est-ce à dire qu'une personne sourde n'a pas accès à la culture astronomique ou à l'enseignement universitaire aujourd'hui ?

D.P. : La situation s'améliore, mais la Langue des Signes n'est officiellement reconnue en tant que langue à part entière que depuis 1991. Progressivement il y a une prise de conscience au niveau de la société, mais celle-ci est encore lente. L'intégration des sourds dans nos structures socio-culturelles souffre encore de nombreux retards.

URANIE : La langue des signes est une langue complète, structurée. Avez-vous, pour "Les Mains dans les étoiles", inventé ou créé de nouveaux signes ?


D.P. : Oui, nous avons défini tout un ensemble de signes que ce dictionnaire permettra de faire connaitre au niveau international. Ces signes vont sans doute évoluer d'eux-mêmes au cours du temps (comme dans toutes les langues). Par exemple les 88 constellations n'étaient pas toutes représentées, et si "Le Petit Lion" ne posait pas de problème, nous avons proposé des concepts pour Andromède, Orion, etc., ainsi que pour les objets récemment découverts, comme les quasars, les pulsars et toute la cosmologie.

URANIE : "Les Mains dans les étoiles" est avant tout un ouvrage encyclopédique suivi d'un Atlas des constellations. En cela il s'adresse aussi bien aux entendants qu'aux malentendants ?

D.P. : Nous n'avons pas voulu limiter l'intérêt de ce dictionnaire à son seul bilinguisme, mais actualiser aussi les connaissances en astronomie et en astrophysique à destination de tous. Un aspect important est de fournir un outil solide pour que le lecteur, qu'il soit sourd ou entendant, y trouve tout en ensemble d'informations astronomique ainsi qu'une langue passionnante.